Y'a le printemps qui chante

Le beau soleil de ces derniers jours m'a donné la pêche et une folle envie de gambader, couettes au vent au bord de la mer. Et même, de chanter à tue-tête dans la rue, en passant devant les terrasses des restaurants bondés de membres de clubs du 3ème... ouh là là, non, dites-moi, du 4ème âge, même. Vous savez, ces groupes qui tous réunis ont moins de dents que moi.

Bref, ça m'a donné envie de leur faire un petit spectacle et de pousser la chansonnette : "Au clair de la luuuneee", ça commençait bien, n'est-ce pas, "j'ai pété dans l'eau, ça faisait des bulles, c'était rigolo".

Le temps que maman réagisse tout le couplet y était passé. Un papy a failli en avaler son dentier et je n'ai pas récolté le moindre applaudissement.

Maman s'est pris un coup de soleil instantanné et je l'ai entendu soupirer à papa : "pourvu que les autres soient sourds !"

Papa, qui de son côté, indifférent à mon développement artistique en vue du prochain casting de The Voice, grignotait tranquillement mon reste de goûter. Poussant d'une main la poussette et de l'autre tenant de façon extrêmement virile mais décontractée mon cookie en l'air, poignet cassé, petit doigt levé suffisamment éloigné de son T-shirt pour ne pas le tâcher. Quand soudain, un goëland, qui avait dû repérer son client depuis un moment, est arrivé par derrière et lui a piqué le biscuit, lui administrant au passage une petite tapette d'aile derrière la tête et laissant papa avec le petit morceau de sopalin flottant au bout de ses doigts ainsi qu'un air un petit peu ahuri de s'être fait dévaliser par un volatile.    

Papa était moins fort qu'un goëland alors comment allait-il faire pour me protéger des monstres, du loup et de la méchante voisine du deuxième ? Oh, après tout, il doit bien y avoir quelques cookies dans le placard, ça fera l'affaire !

Mais là n'était ma préoccupation principale.

Le bide que j'avais essuyé en poussant la chansonnette aux terrasses me turlupinait encore. Maman, qui m'avait elle-même appris cette chanson, m'interdisait à présent de la chanter à grands renfort de froncement de sourcils et d'index secoué.

J'ai donc attendu l'occasion de pouvoir montrer toute la féérie de ma prestation. 

Et justement, que vois-je ? Un manège ! Bien évidemment, je demande un tour, allez, s'il vous plait, pour me faire plaisir, parce que je suis très sage... Et une fois que le manège s'est mis à tourner et que plus personne ne pouvait m'en empêcher : "AU CLAIR DE LA LUUUNEEEEEEE"...

Puis, j'ai enchaîné sur un tube d'Henri Dès : "C'est à l'école, tagadagada qu'on apprend les bêtises et la maîtresse poils poils aux tresses qui pousse des soupirs quand Marion poils au menton attrape le fou-rire." http://www.youtube.com/watch?v=_Uf3P6RD65w&feature=related

Du coup, ça a fait penser à maman que nous avions rendez-vous avec la maîtresse pour une rencontre et une visite de l'école. Alors à chaque fois que je lui posais une question à laquelle elle avait déjà répondu maintes fois, elle me disait, "quand tu iras à l'école, tu pourras poser cette question à la maîtresse".

Puis l'heure du rendez-vous est arrivé. Je me suis préparée et j'ai déclaré à papa et maman que j'allais à mon rendez-vous... seule... puisque c'était mon rendez-vous à moi, que j'allais dire à MA maîtresse, je suis Nina, j'ai 2 ans 1/2.

Finalement, papa et maman sont venus avec moi. Et tant mieux car j'étais très impressionnée. Mes petites menottes étaient moites et pour la première fois de ma vie, je suis devenue muette. J'ai refusé de jouer avec la maîtresse. Ce n'était pas une princesse (comme je l'avais secrètement pensé). Non, à son odeur, je suis sûre qu'elle n'en soit pas une...

Elle m'a dit qu'elle s'appelait Françoise. Moi, j'ai décidé de l'appeler "Bois dormant". Attention, pas LA BELLE au bois dormant, non, juste "Bois dormant". Maman a du coup décidé que ce sera "Maîtresse"...

C'est seulement sur le chemin du retour que je me suis rappelée :

"Oh merd' ! J'ai oublié de demander à Bois dormant ce que c'était qu'un gros mot !"

Maman a juste dit : "Oh mon dieu"

C'est quoi, maman, "mon dieu" ?

Maman : Tu demanderas à ta maîtresse !